Encore dix kilomètres sur la route pour rejoindre la transition TA 6, où nous attend une descente en rappel. On s'équipe, petite approche de 400 mètres à pied, petite montée pour rejoindre le viaduc et c'est parti. Un rappel sympa, de nuit, à la lueur des frontales. Willy y va en premier, je suis, puis Sophie (même pas peur !) et enfin Vadim. Retour le long de la rivière, on se déséquipe, petit ravito et c'est reparti. La dernière partie de section s'annonce la plus délicate avec un passage dans les montagnes de Comeragh. Nous n'avons qu'une seule balise à pointer (B21), mais il va falloir prendre du dénivelé. L'approche se fait par une piste puis on doit prendre un chemin qui monte dans la pente. Il y a deux possibilités, on prend le premier qui monte dans un champ. Pas moyen de passer dans la forêt, on rejoint l'autre chemin puis on longe la forêt avant d'attaquer la montée pleine pente (à pied évidemment). Il y a quelques équipes devant, d'autres derrière. En sortant de la forêt, que faire. Des équipes devant font demi-tour, ça n'a pas l'air de déboucher. J'aurais quand même continué, mais on se dirige vers le Nord-Ouest, en restant un peu de niveau. Progression difficile dans les bruyères hautes (encore plus dure pour notre équipière aux petites jambes !), on récupère un petit chemin pendant 100 ou 200 mètres, puis il faut monter droit dans la pente. Commence alors une longue période de portage, on pense apercevoir de temps en temps des morceaux de chemin entre les bruyères, mais ils disparaissent rapidement. Il y a des équipes un peu partout, certaines traces passent mieux par endroit, mais c'est dur pour tout le monde. On visualise le col où se situe la balise, on ne s'en rapproche pas vite (environ 1h45 de montée). Après 4-5 minutes de recherche pour trouver le boîtier et le petit bout de rubalise (il n'y aura aucune balise en toile pendant la course), on pointe et on attaque la descente vers la transition TA 7. Deux bons kilomètres dans les chemins, puis une dizaine sur la route. Ça roule bien au début, puis ça devient un peu technique. Avec la fatigue de la montée, Sophie prend une belle gamelle, la fin de section sera compliquée. Vadim et Willy font également un soleil chacun, pas de bobo. On profite quand même de la descente sur route car on sait que l'on devra la refaire de jour … mais à pied (sur le trek qui suit). Quelques kilomètres de plat nous amène à TA 7 que l'on rejoint vers 5h30 du matin.
On décide d'un arrêt d'une heure et demi, afin que Sophie puisse dormir une heure et récupérer de la fin de section éprouvante en VTT. Grand confort pour cette zone de transition, dans une salle chauffée, avec un petit gymnase accolé pour dormir. Tenue sèche, soupe chinoise (bien appréciée par Sophie) et dodo pour Willy et Sophie. Avec Vadim, on prépare la suite et on n'a pas le temps de dormir (il faudra être un peu plus efficace sur les transitions suivantes). Réveil de Sophie, qui se charge de réveiller Willy. Sa réponse « tu déconnes ? ». Timing respecté, on repart pour un des gros morceaux de l'aventure, un trek annoncé entre 49 et 72 km. Nous partons dans l'optique des 49 km (sans les balises optionnelles évidemment / les vainqueurs du raid iront en chercher 3 sur 6 / parmi les autres équipes quelques-uns en prendront une). L'approche de la première balise (R22) est longue, près d'une heure et demi, et c'est la même chose pour la suite. Les paysages sont magnifiques, le sol est humide (tourbe) et la météo est correcte (pas de pluie). L'aller-retour à la balise R23 nous permet de croiser trois équipes à qui nous avons repris un peu de temps (on les apercevait régulièrement sur la montagne au loin). Le cirque autour de la balise R24 est grandiose. Petit ravito, on réfléchit sur l'itinéraire pour en ressortir. Certaines équipes ont pris un petit couloir étroit, plutôt risqué … On prend finalement l'option Est, c'est pentu mais raisonnable. En haut, le vent se lève, le brouillard tombe. On se couvre et on avance, en suivant des couloirs de tourbes ... normalement plein Sud. On arrive sur des falaises, bizarre elles ne sont pas dans le bon sens. Un petit coup de vent chasse le brouillard et nous permet de nous recaler (on avait dévié un peu trop vers l'Ouest sur la ligne de crête). Une petite erreur sans conséquence (5-10 minutes perdues) mais qui nous rappelle qu'il faudra être très vigilant si la météo se complique.
On plonge vers la balise R28, puis on décide de contourner à flan de montagne pour rejoindre la R29. Une équipe tentera l'option par le sommet mais sera finalement obliger de contourner. Beaucoup de touristes à côté de cette balise, placée près d'une cascade (on galèrera quand même un peu à trouver le boîtier, placé sur un petit piquet planté dans un trou de 30 cm de diamètre). Une petite remontée pour rejoindre la balise R30, on est rattrapé par des Danois, qui font un choix un peu différent, mais on les retrouve à la balise. Deux reporters (dont un espagnol) sont également montés pour faire quelques photos. On remet les coupes-vent car ça souffle et on discute de la stratégie pour la suite. La balise R31 est un peu plus bas, mais ensuite la montée est très dure jusqu'à la R32 (1 km pour 400 mètres de D+). Willy est en difficulté depuis un bon moment, accroché derrière Vadim et répétant régulièrement sa réplique devenue célèbre « doucement Vadim » (avec le buste en arrière et les yeux à moitié fermés). On décide alors de monter directement à R32 et d'aviser pour la suite. En haut, la vue est belle mais la montée entre R31 et R32 est vertigineuse (et magnifique, nous diront les copains belges à l'arrivée). On abandonne finalement les deux balises suivantes et on se dirige vers le vallon qui permet de rentrer. Cette portion descendante est longue, j'en profite pour achever successivement mes deux bâtons qui se tordent en se coinçant trop profond dans la tourbe. On atteint enfin le parking (début de la portion de 10 km de route, identique à la fin de section VTT de la fin de nuit). Cette portion est terrible, les pieds sont très douloureux, un des pires moments du raid pour moi. On rejoint donc la transition TA 8 (lieu identique à TA 7) au bout de 34 heures de course, après 13h30 passées sur le trek.
Crédits photos : Marion Wojtkowski (EndorphinMag)
On se met d'accord pour 1h40 d'arrêt, cette fois il va falloir dormir. On gagne en efficacité et on arrive à dormir une heure. Réveil difficile pour tous, des courbatures dans le cou pour moi. On repart en VTT pour une section de 75-80 km. Nous reprenons la fameuse route pour la troisième … et normalement dernière fois, en montée pour changer (et pas sur toute sa longueur). Après une dizaine de minutes difficiles, nous reprenons un bon rythme. On attaque une montée un peu plus raide, à la recherche d'un chemin qui doit nous mener à la balise B39. Il y a quelques traces, d'autres équipes cherchent, mais rien ne débouche. Un aller-retour, puis on remonte plus haut pour se recaler, et on décide de redescendre et de l'attaquer différemment, en sachant qu'il faudra sortir des chemins si on y va par là. Petite route, chemin, on passe dans un champ car le chemin s'écarte, puis retour sur ce chemin un peu plus loin. On aperçoit des frontales un peu partout sur les collines environnantes. On croise une équipe qui a fait demi-tour, bizarre. On poursuit à travers champ, je me cale sur la rivière, une jonction de ruisseau/rivière, ça colle avec la carte. On traverse de la végétation dense, l'équipe commence à douter. Tout semble coller, mais aucune trace du chemin carté de l'autre côté. On remonte un peu, puis on s'écarte du ruisseau pour trouver le chemin. Rien, si ce n'est quelques arbres et un petit talus. On remonte un peu, mais la progression est lente. Le chrono tourne et les copains ont peur de s'embarquer dans une grosse galère pour rien. Je suis quasiment persuadé qu'il faut continuer à monter en suivant le ruisseau, mais c'est ce « quasiment » qui nous fera faire demi-tour (il en faut du temps pour ressortir de cette zone hors piste). Dommage, on était dans la bonne zone, mais il fallait remonter encore 400 mètres (les copains belges d'Oufti Aventure trouveront cette fameuse balise B39 au lever du jour). En revenant à la route, deux options , le retour à la transition par la route (4ème passage !) en shuntant donc également B40 et B41, ou la boucle vers le Nord en prenant la route presque jusqu'à la balise B40. Par sécurité, nous prendrons la première option (je pense que c'est notre seule erreur stratégique sur le raid).